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Barcelone (presque) seule contre tous : et maintenant ?


Les choses sont claires : les dirigeants indépendantistes catalans ont choisi la fuite en avant, et se retrouvent désormais, avec leurs partisans – mais combien sont-ils à vraiment souhaiter l’indépendance ? - seuls contre tous.

Dans la foulée de son vote historique (et peut-être, le proche avenir le dira, tragique…) l’assemblée régionale a délivré à l’exécutif une « feuille de route » limpide : production de documents d’identité, négociation d’un traité de double nationalité avec Madrid, adaptation des lois, intégration des 26 000 fonctionnaires de l’Etat central présents dans la Généralité à la « fonction publique catalane », création d’une banque centrale et, enfin, rédaction d’une constitution et convocation d’élections « constituantes ». Bref, l’indépendance à marche forcée.

La réaction de Madrid ne s’est pas faite attendre : c’est un Mariano Rajoy sûr de lui qui a annoncé la destitution du Président Carles Puidgemont et de son gouvernement et la tenue d’élections le 21 décembre. De son côté le parquet général a fait savoir qu’il engagera, dès la semaine prochaine, une procédure judiciaire pour rébellion (crime puni, en théorie, de 30 années de prison...) contre Puigdemont. Et il n’exclut pas d’élargir les poursuites aux autres membres du gouvernement et au Président de l’assemblée catalane. Seul signal « positif » envoyé ce soir depuis la capitale espagnole : le Sénat a refusé de placer les médias publics catalans sous tutelle.

Dans les heures qui ont suivi la déclaration d’indépendance de la province, les réactions se sont multipliées. Au sein de l’Union européenne, Paris, Londres, Berlin, Bruxelles, Rome ont d’ores et déjà clairement fait savoir qu’ils se tenaient aux côtés de l’Espagne et ne reconnaîtraient jamais le nouvel « Etat » indépendant. Le Président de l’Union européenne, Donald Tusk a fait savoir (dans un tweet) que l’Union gardait l’Espagne comme « seule interlocutrice ». Les Catalans savent donc désormais (pour ceux qui ne s’en doutaient pas…) que les indépendantistes leur ont vendu du vent, une chimère : JAMAIS une Catalogne indépendante ne sera membre de l’Union européenne. Ceci devrait refroidir quelques ardeurs.

Le Canada et les Etats-Unis se sont également prononcés en faveur de l’unité espagnole et, dans la soirée, l’ONU et l’Otan excluaient, à leur tour toute reconnaissance de la république catalane.

Seules voix dissidentes : le Président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni qui a salué « la naissance de la République de Catalogne » et exprimé sa « solidarité au gouvernement régional » et celle du gouvernement autonome écossais qui « respecte la position de l’exécutif catalan » et estime que la région doit pouvoir déterminer son propre avenir. Une déclaration rendue toutefois peu intelligible car Edimbourg assure dans le même temps que Madrid « a le droit de s’opposer à l’indépendance ». Comprenne qui pourra. Enfin, la Gambie, plus petit Etat de l’Afrique continentale et peuplée de moins de deux millions d’habitants a reconnu «la République de Catalogne comme un Etat légitime » et a déclaré « se tenir à ses côtés ». On peut douter que ces trois appuis suffiront à M. Puidgemont pour réaliser son ambitieux programme.

Fort du soutien (presque) unanime du monde et, en tout cas, des capitales européennes, de l’Union et des grands alliés atlantiques, M. Rajoy a donc toutes les cartes en main.

Mais il ne doit surtout pas penser qu’il a reçu de ses partenaires une sorte de blanc-seing lui permettant tout et n’importe quoi. Il lui faut, au contraire, jouer sa partie avec la plus grande prudence et avec une finesse et une intelligence dont il n’a pas, jusqu’à présent, administré une preuve éclatante: si la loi et la constitution doivent être respectées, il serait de bonne politique d’assortir le discours de fermeté de véritables ouvertures aux Catalans tentés par l’aventure en leur proposant un statut d’autonomie plus large – en leur donnant, par exemple, la maîtrise de la fiscalité comme le cas pour la Communauté autonome basque qui collecte l’impôt et en reverse une partie (minime) à l’Etat central.

Il faut, surtout, éviter à tout prix l’usage de la force : les esprits sont échauffés et, si le sang coule en Catalogne, l’évolution de la situation deviendrait imprévisible. On peut même penser que la violence, si elle vient de l’Etat central, elle rassemblerait les Catalans autour de leurs dirigeants et que ses répercussions pourraient se faire sentir loin au-delà des frontières espagnoles.

Dans son tweet de la soirée, Donald Tusk appelait d’ailleurs le gouvernement madrilène à « favoriser la force de l'argument plutôt que l'argument de la force ». Espérons qu’il sera entendu. C'est la seule manière de sortir la Catalogne (et l'Espagne) de l'impasse dans laquelle les ont précipitées une poignée d'aventuriers.

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