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Gérard Filoche, antisémite à l’insu de son plein gré ?


L’élection d’Emmanuel Macron à la Présidence de la République a donné lieu, depuis le printemps à une belle envolée de haine telle que nous les aimons en France : bien recuite, bien rancie, bien salissante, un peu gluante et répandant une fort mauvaise odeur. Une manière de nous rappeler que, pour certains de nos compatriotes, la politique c’est une nouvelle forme de guerre civile plutôt qu’un débat démocratique.

Mais soit, nous sommes comme ça. Quand ces métastases de la violence française se cantonnent à ce marais nauséabond, à la marge des réseaux sociaux, où de courageux anonymes éructent contre tout ce qu’ils ne comprennent pas (ce qui, en fin de compte, représente beaucoup de choses), on se fait une raison. On serre les dents ou l'on se dit, en comptant fautes d’orthographes et autres erreurs de syntaxes que, s’il faut de l’intelligence pour arriver au pouvoir, il n’y a pas péril en la demeure et que notre ordre constitutionnel n’est guère menacé par ces bas-de-plafond.

Ce qui est plus désagréable – et inquiétant -, c’est quand l’outrance gagne la classe politique. Ainsi, quand Jean-Luc Mélenchon a crié au coup d’Etat social et a voulu jouer dans la rue une troisième mi-temps de la Présidentielle, il a fauté. On a le droit de contester et de manifester, pas celui de remettre en cause le processus démocratique. Mais passons, les masses, d’ailleurs, ne l’ont pas suivi et la révolution mélenchoniste a fait flop...

Dernier avatar de cette haine - qui n’est pas, curieusement, sans rappeler celle qui accompagna Nicolas Sarkozy tout au long de son mandat – un tweet de Monsieur Gérard Filoche, ex militant communiste puis gauchiste (LCR) qui rallia le PS en 1994 et en devint aussitôt membre du Bureau National mais a manifestement gardé de ses jeunes années un goût pour la « provocation », fût-elle infâme.

M. Filoche est familier des polémiques et des outrances. N’avait-il pas tweeté, après la mort accidentelle de Christophe de Margerie, PDG de Total, à l'aéroport de Moscou, le 21 octobre 2014 : « De Margerie est mort. Famille Taittinger en deuil. Les grands féodaux sont touchés. Ils sont fragiles. Le successeur nous volera-t-il moins ? ». A l’époque, Manuel Valls avait demandé son exclusion du PS.

Il a donc récidivé. En pire. Hier, 17 novembre, il publiait un nouveau tweet visant, cette fois, le Président de la République. Le message – « Un sale type, les Français vont le savoir tous ensemble bientôt ». - est peu élégant, politiquement inepte et relevant davantage de la cour de récréation des petites classes que de la politique, mais l’important n’est pas là. L’important, c’est cette illustration qui accompagne cette assertion de haute volée: un photomontage représentant Emmanuel Macron, entouré de Patrick Drahi, Jacob Rothschild et Jacques Attali sur fond de de drapeaux israélien et américain et de dollars. Au bras, le Président porte un brassard nazi sur lequel le sigle du dollar a remplacé la croix gammée.

Tout y est : le complotisme (le président-marionnette actionnée par le grand capital et représentant d’intérêts occultes), la banalisation du nazisme (par l’usage inconsidéré d’un de ses symboles) et bien entendu, l’antisémitisme (inutile ici, je pense de faire une longue démonstration).

La levée de boucliers a été immédiate et à peu près unanime. Le secrétaire par intérim a fait savoir qu’une procédure d’exclusion était engagée contre M. Filoche. L’intéressé, lui, fait celui qui ne comprend pas et s’étonne qu’une image banale (ce sont ses termes) – qu’il a retirée et pour laquelle il s’est excusé – provoque autant de réactions.

M. Filoche a raison. L’image est banale. Du moins elle a l’a été : entre 1933 et 1945 en Allemagne, entre 1940 et 1944 en France et dans d’autres pays occupés, et elle n’aurait pas dépareillé l’immonde exposition Le juif et la France ouverte le 5 septembre 1941 au Palais Berlitz. Elle était banale aussi, plus largement, dans la première moitié du XXème siècle lorsque l’antisémitisme pouvait s’afficher sans fards. Aujourd’hui, elle est inacceptable. Et passible de poursuite.

Faire semblant de ne pas le comprendre est affligeant. Qu’importe, pour le reste, qu’elle provienne d’un site d’extrême-droite (ce que M. Filoche dit avoir ignoré) : n’importe quel adulte normalement constitué et éduqué s’aperçoit au premier coup d’œil que cette illustration est, pour le moins, inappropriée (ceci est, évidemment, un euphémisme...)

M. Filoche étant intelligent et cultivé (deux choses que personne ne conteste mais sont ici des circonstances aggravantes), il ne pouvait l’ignorer. Il a le droit de défendre ses idées mais il, a, aujourd’hui, perdu tout droit au respect. De deux choses l’une, donc : soit, du fait d’une quelconque maladie, il n’est plus en capacité intellectuelle de jouer un rôle dans la vie publique soit il a délibérément choisi d’ignorer le caractère complotiste et antisémite de l’image qu’il reproduisait. Il aurait, donc, à l’instar de Monsieur Jourdain mais dans un tout autre registre, fait de l’antisémitisme sans le savoir.

Dans les deux cas, il est urgent de le mettre au ban d’une communauté politique démocratique à laquelle il a de toute façon, de son propre chef, cessé d’appartenir.

P.S.: J'ai hésité à reproduire l'image en question, mais je crois q'il importe de la voir pour mesurer l'énormité de la faute de Gérard Filoche.

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