La réélection d’Emmanuel Macron était prévue par tous les sondages. Il n’empêche que son score de 58% a de quoi étonner…
Il signifie que le réflexe « anti-macron » et la détestation qu’il était sensé susciter dans l’opinion étaient nettement moins forts que prévu. Mais Marine Le Pen, elle, avec ses 42%, réalise un score impressionnant.
Il reste, à l’inverse, que l’extrême-droite et le populisme « de gauche », n’ont jamais été aussi haut en France, une tendance déjà nettement perceptible au premier tour des élections qui avait vu un peu plus de 60% des voix se porter sur des candidats extrémistes ou marginaux : 32, 28% pour le trio Marine Le Pen-Zemmour-Dupont-Aignan, 25, 56 pour Jean-Luc Mélenchon, les deux candidats trotskistes et le communiste Fabien Roussel et 3,13% pour Jean Lassalle, candidat « hors système ».
Même si on peut se féliciter de la victoire du « front républicain » et sur celle de la raison, il n’en reste pas moins que la France est divisée comme elle ne l’a jamais été sous la Cinquième république, avec d’un côté un gagnant perçu par beaucoup comme le « candidat des riches » et, de l’autre, une vaste coalition de « mécontents » qui incarnent, eux, la « France qui souffre ».
Emmanuel Macron a donc échoué sur l’une de ses principales promesses de 2017 : faire reculer les extrêmes.
En revanche, il a atomisé la gauche et la droite « de gouvernement », le PS et LR se retrouvant à des scores qui ne sont même plus « historiquement bas » - comme on pourrait le dire poliment - mais qui témoignent d’une faillite totale. Il n’est pas certain que ce soit une bonne nouvelle pour la démocratie.
Il va maintenant y avoir un « troisième tour », celui des législatives, au plus tard en juin (si le Président ne dissout pas l’assemblée avant cette échéance) dont il est difficile de dire si elle apportera au président réélu la majorité dont il aura besoin. En tout cas, les résultats des deux extrêmes seront déterminants.
Mais il y a plus grave : un « quatrième tour » s’annonce, et celui-là se jouera dans la rue, dans des conflits sociaux qui pourraient se multiplier à partir de l’automne.
Cette équation-là sera plus difficile à résoudre que celle de l’élection.
Emmanuel Macron doit se tenir à son programme de réformes – entre autres à celle des retraites – mais elles sont largement impopulaires. Et cette impopularité devait encore s'aggraver au rythme de la nouvelle crise qui a commencé, suscitée par les répercussions de la guerre en Ukraine et qui laminer le pouvoir d'achat des "classes populaires".
Le rejet de la vie politique que nous l'avons connue depuis plus d'un demi siècle, en revanche, est manifeste, que ce soit à travers les scores extrémistes ou par l'abstention.
Sa première mission sera donc d'expliquer, de convaincre et de rassembler les Français. Mais pour cela, il devra bien comprendre que ses 58 % sont tout sauf un chèque en blanc.
Ce soir, la raison l'a emporté. Mais c'est peut-être la dernière chance d'un "système" qui suscite de moins en moins d'adhésion.
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