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La « Déclaration de Nice » : impliquer les villes dans la lutte contre le terrorisme

(c) Valery Hache/AFP

Un sondage rendu public mercredi matin par Le Figaro permet de se faire une idée de l’état d’esprit des Français face à la menace terroriste mais aussi de l’impact de plus en plus profond que celle-ci exerce sur notre vie quotidienne.

Le journaliste Christophe Cornevin nous révèle que, selon le dernier Baromètre Fiducial/Odoxa, 85% des Français pensent qu’une partie ou l’autre du texte de loi actuellement discuté au Parlement – et qui vise à transposer dans le droit pénal commun plusieurs des mesures-clés de l’Etat d’urgence, entre autres les assignations à résidence et les perquisitions administratives – « va contribuer à améliorer leur sécurité ». Un chiffre qui en dit long sur le décalage qui existe entre, d’une part certains politiques de gauche et surtout d’extrême-gauche et quelques droits-de-l’-hommistes plus ou moins professionnels (Dont la section française d’Amnesty International – et, d’autre part, l’ensemble de la société. Ainsi jusqu’à 80% des Français approuvent le principe des perquisitions administratives (qui, tout en étant décidée par l’autorité préfectorale seront pourtant soumises à un contrôle des magistrats).

La mort de plus de 250 français, sur le sol national comme à l’étranger, depuis le 7 janvier 2015 et la décimation de l’équipe de Charlie-Hebdo y est évidemment pour beaucoup. Cette sensibilité de la société française à la menace terroriste justifierait que le débat politique soit à la hauteur des attentes. Ce n’est malheureusement pas le cas. Là où il aurait fallu des discussions sereines et approfondies et – osons le dire – une sorte « d’union sacrée », on a surtout assisté, ces derniers jours, au Parlement à un feu croisé entre la droite qui s’accroche à un Etat d’urgence qui ne peut pourtant durer éternellement et l’extrême-gauche mélenchoniste qui crie à tout bout de champs à la violation des libertés individuelles.

Sur le terrain, pourtant, les choses évoluent : une trentaine de maires de grandes villes se retrouveront ce vendredi à Nice, à l’initiative de Christian Estrosi, pour y signer une déclaration les engageant à coopérer dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme. Julian King, Commissaire européen à la Sécurité et le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb seront présents.

L’ambition de Christian Estrosi telle qu’il l’exprime au Figaro, est claire : « Une conférence sur le thème de la lutte contre la radicalisation était programmée de longue date à Nice avec les villes du réseau Euromed que je préside. Mais l'attentat de Barcelone, le 17 août, n'a fait que renforcer l'idée selon laquelle, en matière de terrorisme low-cost, c'est sur les espaces publics dont les maires européens ou méditerranéens ont la responsabilité que ces barbares viennent tuer sans discernement hommes, femmes et enfants de toutes confessions, conditions sociales et origines. Face à ce phénomène commencé à Nice et poursuivi à Stockholm, Berlin et Londres, entre autres, nous avons décidé de porter à l'ordre du jour de la conférence la question de savoir comment les maires européens, qui sont en première ligne face à cette menace, peuvent s'organiser pour être des interlocuteurs auprès des instances européennes. »

Les signataires de la déclaration de Nice entendent peser de tout leur poids pour obtenir plus de coopération et d’harmonisation au niveau européen, mais ils souhaitent également pousser l’Union européenne à mettre la main à la poche pour soutenir les villes qui veulent sécuriser les espaces publics pour pouvoir continuer à vivre normalement mais aussi à organiser les grandes manifestations culturelles et sportives qui font partie de notre de vie.

Ce sera une première en Europe et elle mérite d’être soulignée : il est sain et normal que les villes – le niveau de pouvoir le plus proche du citoyen – s’engagent sur ce terrain. Après les attentats du 11 septembre 2001, New York avait décidé de prendre en main sa propre sécurité (au grand dam de certaines agences fédérales, comme le FBI) et consenti un effort sans équivalent dans le monde pour se doter de véritables capacités antiterroristes. Il s’agissait non seulement de mettre sur pied des forces de réaction plus offensives et mieux équipées mais également de doter le New York Police Department (NYPD) de véritables capacités de collecte et d’analyse du renseignement et d’agents de liaison avec les services de polices de grandes agglomérations (entre autres à Londres et à Tel-Aviv).

L’idée était simple : « poser la question de New York ». A chaque fois qu’un attentat se produisait ou qu’une menace était détectée, ces officiers de liaison, intégrés aux polices locales, devaient déterminer en priorité si un lien existait avec New York et, dans un deuxième temps, aider à en tirer les conclusions pour mieux sécuriser la ville. Mon ami, le journaliste Christopher Dickey, ancien chef d bureau de Newsweek à Paris et spécialiste du Moyen-Orient, a écrit, il y a une petite dizaine d’années, un livre passionnant sur cette expérience : Securing the City.

Ce n’est pas de ça qu’il sera question à Nice, et l’expérience new-yorkaise, qui témoigne d’une formidable réactivité d’une audace et d’un dynamisme typiquement américain n’est peut-être pas transposable en Europe.

Mais aujourd’hui, sur les bords de la Méditerranée, dans une ville frappée de plein fouet par la terreur le 14 juillet 2016, un pas important sera franchi. Le premier, peut-être, d’une longue route…

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