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L'adjudant-chef Stéphane Grenier, « Mort pour la France »….


Les hommes des Forces spéciales font rarement la « une » des journaux. Ou alors, c’est pour le pire. Le samedi 23 septembre, quelque part en zone syro-irakienne, l’adjudant-chef Stéphane Grenier était mortellement blessé. C’est malheureusement ce qui vaut aujourd’hui à son nom d’être connu du public.

Stéphane Grenier, né à Caen, le 2 aout 1983, s’était engagé en 2003 et avait immédiatement rejoint le 13ème Régiment de Dragons Parachutistes (13 RDP), l’une des formations participant aux Forces spéciales françaises, une unité d’élite spécialisée dans la recherche du renseignement tactique. Il a connu la Bosnie (2005), la Côte d’Ivoire (2007-2008), l’Afghanistan (en 2009 et 2010), l’Afrique à nouveau avant de revenir en Afghanistan en 2013 puis le Sahel (2014) et, enfin, le Proche-Orient.

Devenu sous-officier, chef de cellule de recherche aéroportée puis chef d’équipe de recherche, il était titulaire de deux citations et d’une Croix de la Valeur Militaire (VM) destinée à récompenser des actions d’éclat accomplies en opération extérieure. Il vivait avec sa compagne qui lui avait donné une petite fille…

Croix de la VM

Le « 13 », au sein duquel il a accompli toute sa carrière militaire est l’héritier, de grandes traditions qui remontent à 1676. C’est en 1791 qu’il devient le 13ème Régiment de Dragon. Dissous à trois reprises (1815, 1940 -après la perte au combat de 90% de ses effectifs- et 1946), baptisé 13ème RDP en 1952, il s’est illustré sur tous les champs de bataille : Valmy en 1792, Austerlitz en 1805, Iéna en 1806, la Moskova en 1812, ou encore Leipzig en 1813. Durant la Première Guerre Mondiale, le régiment se battra sur les frontières puis sur la Marne, dans les Flandres, en Artois et en Champagne et à Verdun. En 1940, il sera à nouveau de toutes les batailles. Devenu unité de renseignement dans les années cinquante, le 13 verra ses effectifs engagés sur tous les terrains ou sont présentes les armes de la France.

Il y a quelques années, j’ai eu la chance de passer deux jours au sein du 13, au camp de Souges, à l’occasion d’une conférence. Je ne me souviens malheureusement pas si j’y ai rencontré l’ADC Grenier (dans les forces spéciales, on révèle rarement son nom aux visiteurs, même amis…) mais j’ai beaucoup parlé, entre deux démonstrations de leurs incroyables capacités, avec certains de ses camarades. Des hommes décidés, calmes, simples totalement tournés vers l’accomplissement des missions qui leur sont confiées. La spécificité « renseignement » du 13 en fait un outil affûté, souvent mis à la disposition de la Direction du Renseignement Militaire mais dont certains éléments servent parfois également, pour un temps, au Service Action de la DGSE.

Le chant du régiment rappelle tout à la fois son histoire et sa vocation du secret :

Nous sommes descendants des fiers dragons De l'Impératrice, nos escadrons vainqueurs à Austerlitz, à Iéna, La Moskova Ont fait l'impossible et vont encore bien au-delà

Comme notre griffon Tour à tour aigle et lion Nous sommes soldats du ciel et de la terre Parachutiste un soir Commando le lendemain Les armes à la main pour suivre notre destin Nous irons nous battre un jour Pour l'honneur et pour l'amour De la liberté de la patrie

Nous sommes les descendants des fiers dragons De l'Impératrice, nos escadrons vainqueurs à Austerlitz, A Iéna, La Moskova Ont fait l'impossible et vont encore bien au-delà

Ces charges que l'on empoigne Deviennent nos compagnes Quand nous partons la nuit vers l'inconnu Disparaître dans les bois La mission faisant foi Dans la pluie, le vent, nous restons à l'affût C'est ça notre destin C'est de vivre en clandestin Silence, discrétion, c'est notre but.

Mais quand je pense à ces hommes, je me souviens aussi de cette Prière du Para écrite en 1938 par André Zirnheld, qui, ayant refusé l’armistice de 1940 avait rejoint les Forces Françaises Libres. Intégré comme officier au French Squadron du Special Air Service (SAS), Zirnheld, comme Stéphane Grenier il y a quelques jours, mourra des suites des blessures reçues au combat, le 27 juillet 1942 (il sera fait Compagnon de la Libération le 1er mai 1943 à titre posthume).

C’est dans ses affaires personnelles, qu’on retrouvera, après sa mort, le texte qui suit :

Je m’adresse à vous, mon Dieu Car vous donnez Ce qu’on ne peut obtenir que de soi. Donnez-moi, mon Dieu, ce qui vous reste, Donnez-moi ce qu’on ne vous demande jamais. Je ne vous demande pas le repos Ni la tranquillité, Ni celle de l’âme, ni celle du corps. Je ne vous demande pas la richesse, Ni le succès, ni même la santé. Tout ça, mon Dieu, on vous le demande tellement, Que vous ne devez plus en avoir ! Donnez-moi, mon Dieu, ce qui vous reste, Donnez-moi, ce que l’on vous refuse. Je veux l’insécurité et l’inquiétude Je veux la tourmente et la bagarre, Et que vous me les donniez, mon Dieu, Définitivement. Que je sois sûr de les avoir toujours Car je n’aurai pas toujours le courage De vous les demander. Donnez-moi, mon Dieu, ce qui vous reste, Donnez-moi ce dont les autres ne veulent pas, Mais donnez-moi aussi le courage, Et la force et la foi. Car vous êtes seul à donner Ce qu’on ne peut obtenir que de soi.

Je ne sais pas si l’adjudant-chef Stéphane Grenier s'est souvenu de ces mots, lors de son grand départ. Je ne sais pas à quoi il a pensé. A ses camarades ? Sans doute. A sa compagne et à son enfant, certainement.

Mais ce que je sais c’est que, en homme libre, il a été au bout de son engagement, car quand le soldat signe son contrat, c’est en acceptant, en connaissance de cause, de donner son sang et de payer le prix ultime.

Stéphane Grenier a donné sa vie dans une mission secrète, dont, peut-être, nous ne saurons jamais rien. Il est simplement permis de dire qu'il a été mortellement touché, quelque part au Levant, au cours d'un accrochage entre des forces locales et les terroristes du soi-disant Etat Islamique. Il est tombé sur une terre lointaine en combattant ceux qui, depuis des années, portent la violence et la mort dans nos villes. Il a été, comme le dit la fière et sobre devise de son régiment, Au-delà du possible.

Que la nuit vous soit douce, mon adjudant ! Et que vos proches, entourés de vos camarades dont je sais qu’ils ne les abandonneront pas, trouvent le réconfort.

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