La mort de Fabien Clain, à al-Baghouz Fuqwani, à la frontière de la Syrie et de l’Irak, dans la province de Deir-ez-Zor, à l’extrême-est de la Syrie, tué par une frappe de drone – très probablement exécutée par l’armée américaine - est une bonne nouvelle. Le fait que Jean-Michel Clain, son frère, ait été grièvement blessé, ne fait que renforcer ce sentiment.
Certes, on aurait préféré les voir affronter leurs juges, à Paris, pour répondre de leurs crimes, mais ils ont choisi leur destin : fanatiques et irréductibles, combattant jusqu’au bout au sein de Daech, hors d’atteinte du bras de la justice, ils ont, finalement, été éradiqués.
J’ai souvent dit que les djihadistes européens de l’Etat Islamique n’avaient pas vocation à revenir en Europe et que, dans l’intérêt de notre sécurité, ils devaient être « traités » sur zone ou, pour ceux qui étaient capturés, jugés là où ils ont commis leurs crimes, pour ce qui est de ceux qui sont arrêtés en Irak (le cas des djihadistes pris en Syrie est nettement plus complexe, ainsi que je l’expliquais dans un autre "papier", il y a quelques semaines).
Cette élimination en zone de combat (une lutte féroce se déroule dans la région d’al-Baghouz depuis plusieurs semaines) est l’aboutissement de trois années de traque par les services secrets français Les frères Clain étaient des cibles prioritaires, comme tous ceux qui ont participé à la conception, à la préparation ou à la réalisation des attentats du 13 novembre.
Aujourd’hui, la plupart de ceux qui ont voulus et planifié ces attentats ou qui y ont participé (sans compter bien entendu les auteurs directs, tous morts à l’exception de Salah Abdeslam) sont détenus en France en attente de leur procès ou sont morts : Mohammed al-Adnani, le chef des « opérations spéciales de l’EI a été tué le 30 août 2016, Salah-Eddine Gourmat est mort le 4 décembre de la même année, Oussama Attar, l’un des principaux architectes de l’opération aurait été tué le 17 novembre 2017, Salim Benghalem aurait été éliminé le même mois. Les frères al-Bakraoui et Najim Lachraoui sont morts dans les attentats de Bruxelles, le 22 mars 2016 et leur camarade Mohamed Belkaid avait été abattu par la police belge, à Bruxelles, quelques jours auparavant, le 15 mars…
Le fait que la frappe qui a éliminé Fabien Clain – et peut-être Jean-Michel, qu’on dit très grièvement blessé, et qui, dans l’état sanitaire de la région a peu de chances de survivre - n’ait pas été effectuée par la France n’est pas significatif. Ce genre de décision est prise en commun par les alliés et, lorsqu’une cible est identifiée, les choses vont très vite : le délai entre la décision de « taper » et la frappe elle-même est souvent très court, vu la mobilité des djihadistes, et c’est celui qui est en capacité d’agir qui le fait. L’important est que deux hommes dangereux aient été mis hors de combat.
Cette nouvelle victoire de l’antiterrorisme ne doit, toutefois, pas faire penser que la menace terroriste baisse. Elle reste, au contraire, très significative. D’abord, bien entendu, il est possible que cette élimination suscite chez des djihadistes ou sympathisants de l’EI présents en France, le désir de passer à l’acte pour venger un (deux ?) « martyr(s). Le 28 décembre, Fabien Clain avait encore appelé à commettre des attentats en France « pour venger ceux qui meurent ».
Ensuite, si Daech a perdu la capacité d’attirer sur zone des volontaires étrangers et de les projeter vers l’Europe et la France pour commettre des attentats, nous sommes à la merci de cette menace insidieuse, représentée par les « homegrown terrorists » (les terroristes de l’intérieur, par opposition aux Foreign Terrorist Fighters, ou FTF, qui ont été entraînés en Syrie et en Irak par l’EI…). Ceux-là peuvent frapper à tout moment, comme à Strasbourg ou à Trèbes. Et l’on aurait tort de penser qu’une frappe terroristes isolée et « artisanale » serait moins douloureuse qu’un attentat longuement planifié : à Nice, le 14 juillet 2016, un homme seul, au volant d’un camion loué, n’ayant jamais été entraîné par personne et n’ayant pas de lien direct avec Daech a fait 85 victimes. C’est à dire les deux tiers de celles qui sont tombées à Paris, le 13 novembre, sous les coups d’un commando entraîné un an en Syrie et lourdement armé.
Rien n’autorise, donc, à baisser la garde. La lutte n’est pas terminée, et elle pourrait être encore longue car si la territorialité de l’Etat Islamique n’est plus qu’un souvenir, l’idéologie djihadiste, elle, reste vivace.
Mais ce soir, deux pions de la terreur ont été retirés du jeu. Et c'est, malgré tout, un motif de satisfaction.