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Notes de lecture : Churchill et la France


Les publications sur Winston Churchill sont innombrables. Et encore, je ne m’intéresse personnellement qu’à ce qui parait en français ou en anglais. Ceux qui ont lu mon post précédent sachant que j’achète systématiquement ce qui paraît dans ces deux langues sur ce géant ne s’étonneront pas de trouver au fil des semaines nombre de churchilleries sur mon blog.

Il peut sembler difficile de découvrir encore quelque chose de nouveau sur le grand homme. Eh bien c’est faux. D’abord, avec le temps qui fait son œuvre, le regard que l’on porte sur les événements et les gens qui les ont faits ou subis change : il y aura donc, toujours, quelque chose de nouveau à dire ou une nouvelle manière de présenter et analyser les faits. Ensuite, quand on est confronté à un tel géant, les « angles » nouveaux s’imposent d’eux-mêmes.

Christian Destremau, auquel on doit déjà une belle biographie de Lawrence d’Arabie et plusieurs ouvrages sur la Seconde Guerre Mondiale, s’est dont penché sur Churchill et la France.

Dans cet ouvrage érudit, très documenté et agréable à lire, son grand mérite est de montrer la permanence de l’intérêt que Churchill porta à l’hexagone mais aussi la variété des causes de cet intérêt. Churchill et la France, ce n’est pas seulement « Churchill et de Gaulle » : c’est une curiosité, une attention et disons-le un amour (et son pendant naturel, une irritation) permanents pour notre pays tout au long de plusieurs décennies. L’homme avait de qui tenir. Sa mère, la belle Jennie Jerome (qui fut très absente dans son éducation, comme le voulait l’époque, mais qu’il adorait) se passionnait pour la politique française et, à compter de son veuvage en janvier 1895, passa plusieurs mois par an à Paris. Peu avare, dit-on, de ces charmes, elle entretint même, semble-t-il, quelques liaisons dans la haute société politique et littéraire française.

Pour Churchill, la France, c’est une histoire qu’il lit avec avidité, des paysages qu’il admire et qu’il peindra souvent, de grandes figures ou encore une gastronomie dont l’ogre qu’il est raffole. C’est un mélange d’affection et de répulsion, comme, par exemple, au moment de l’affaire Dreyfus, cette conspiration monstrueuse.

C’est aussi bien entendu, de la politique. Destremau nous rappelle ainsi cette double constante de base de la politique britannique du XIXème et du tout début du XXème siècle : ne pas permettre qu’un Etat continental arrive au même niveau de puissance militaire que la Grande-Bretagne et ne pas s’impliquer dans les affaires continentales. Dans la relation avec la France, une autre donnée intervient : la rivalité des deux grandes puissances coloniales européennes : C’est ce qui explique que, malgré l’Entente cordiale, Winston Churchill sera d’abord… germanophile (avant 1914, faut-il le préciser…) : ce qu’il souhaite, comme d’autres, c’est un équilibre des forces qui paralyse tout rival potentiel de Londres. Mais Berlin va rompre ce fragile équilibre (violant au passage la neutralité belge, garantie par la Grande-Bretagne) et c’est sans aucun état d’âme que Churchill (re)deviendra farouchement francophile. Ce qui ne l’empêchera pas de plaider, après 1918, pour que l’on n’impose pas à l’Allemagne défaite des conditions trop dures. Il ne sera pas écouté.

Sur la Seconde Guerre mondiale, l’un des points forts du livre de Christian Destremau est de montrer par le détail, ce jeu complexe et cette relation personnelle tout aussi compliquée qui lia et opposa tout à la fois Winston Churchill et de Gaulle, ce Connétable de France, que le locataire du 10 Downing street trouvait souvent insupportable mais dont il admirait le caractère indomptable (qui lui rappelait certainement le sien) et la volonté de fer. Ce qui n’empêche quelques saillies savoureuses et typiquement churchilliennes : « Si vous m’obstaclerez, je vous liquiderai » ou cette merveilleuse exclamation : « Nous l’appelons Jeanne d’Arc et nous sommes à la recherche d’évêques pour le faire brûler ». N’empêche, c’est le même Churchill qui défendit bec et ongles de Gaulle face à Roosevelt et l’imposa aux Américains comme seul interlocuteur en France….

Le 9 mai 1945, le général envoyait au Premier ministre un télégramme qui rendant hommage : « ce qui a été fait ne l’aurait pas été sans vous… », écho à l’action d’un homme qui avait incarné la résistance au nazisme et qui, au soir du 21 octobre 1940, s’adressait par-dessus la Manche au vieux pays occupé : « Français, c’est moi, Churchill, qui vous parle… »

Christian Destremau, Churchill et la France, Editions Perrin et Ministère de la Défense, Paris, 2017.

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